Historique du château de Vertheuil
par Maylis Abadie-Reverseau, propriétaire du Château

Si on ne connaît pas de façon certaine la date de construction, on est sûr de son existence à la fin du XIème siècle, puisqu’en 1081, Girald fils d’Acfred, est captal de Vertheuil. De ce fait, son donjon est le plus ancien de la région.
La position de la forteresse est favorable pour la défense : elle domine le bourg et l’Abbaye, situés dans une petite vallée. Elle adopte le plan classique d’une forteresse moyenâgeuse : le donjon du XIème siècle, au centre de la motte, (de plan assez rare, « barlong », c’est-à-dire plus long que large et non carré) renforcé par des contreforts plats ; première enceinte avec poternes et trois tours ; deuxième enceinte avec la barbacane et la porte de l’audience du XIVème siècle.
Pendant près de deux siècles la Baronnie de Vertheuil appartient à la Famille de Bourg, une des plus illustres du bordelais. Une figure en est particulièrement emblématique : Guitard de Bourg, Sire de Vertheuil a toutes les prérogatives d’un seigneur féodal. Il a des différends avec ses voisins, en particulier avec la dame Dousse d’Apremont, Châtelaine du Breuil, mais il sait s’incliner au dernier moment…
Touchant le droit de justice dans le Bourg, en 1263, il passe un accord avec l’Abbé de Vertheuil, avec l’arbitrage de l’Archevêque de Bordeaux. Les sujets de l’Abbaye ont droit de chauffage et de pacage sur les bois et les landes de Guitard de Bourg.
N’oublions pas que la Guyenne est anglaise depuis 1154, lorsque Aliénor d’Aquitaine apporte cette province en dot à son époux Henri II Plantagenêt, proclamé Roi d’Angleterre. Un siècle plus tard, Guitard de Bourg, intelligent, sait gagner la confiance du Roi d’Angleterre, Edouard 1″, qui l’élève à d’importantes fonctions ; on le trouve ainsi, en 1277, Maire de Bordeaux, puis prévôt de Bayonne, lieutenant sénéchal en bordelais et Bazadais, puis dans les Landes et enfin Sénéchal de Saintonge.

La fille de Guitard de Bourg, va donner un lustre supplémentaire à Vertheuil, en se remariant, après son veuvage, avec Amanieu VII Sire d’Albret, auquel elle apporte la Seigneurie de Vertheuil qui fait désormais partie des possessions impressionnantes de la puissante Maison d’Albret. Par son testament du 6 Juin 1326, Rose de Bourg, laisse Vertheuil à son fils Guitard d’Albret.
La guerre de Cent ans fait rage ; la famille d’Albret change plusieurs fois de camp et la forteresse a à souffrir des attaques répétées tant anglaises que françaises. Les fortifications sont mises à mal par la bombarde : les boulets de catapulte restent à terre, impuissants.
La bataille de Castillon met fin à cette longue période de guerre, le 17 Juillet 1453.

En 1489, Pierre de Bosco, hérite de Vertheuil. Chantre et chanoine de Saint André de Bordeaux, il lègue au chapitre de Saint André la Baronnie de Vertheuil avec le droit de haute justice qui s’étendait sur les paroisses de Vertheuil, Cissac, Saint-Estèphe et Pauillac. Le chapitre de Saint André garde cette seigneurie jusqu’en 1789.
La « modernisation » du donjon a été faite par les chanoines de Bordeaux, avec notamment le percement des fenêtres actuelles. Deux tours sur trois ont été démolies par les chanoines de l’Abbaye, pour construire leurs communs.En 1792, le Château est déclaré « Bien National ». Vendu à un certain Monsieur Gauran, il passe dans les mains de plusieurs propriétaires. Il finit par être abandonné, livré au lierre et à l’outrage du temps.
La famille Abadie l’acquiert en 1958. Elle n’arrive pas tout à fait en étrangère à Vertheuil puisque sa généalogie la lie à un certain… Amanieu VII d’Albret. Elle fait sienne la devise des vieilles Maisons Françaises : « conserver, c’est encore créer » et dément ce qu’écrivait Léo Drouyn en Octobre 1861 : « encore un peu de temps, et il ne restera que la place et le souvenir du Château de Vertheuil »…